Quant l’utopie avait les pieds sur terre.. Humaniste. Le titre du magazine Politis ne s’entiche pas uniquement de la politique et d’une campagne qui s’approprie l’ensemble des sujets démocratiques sans vraiment bûcher jusqu’au bout les intentions populistes des prétendants de la République. Il dépasse les cadres des nations et des projections pour lesquels s’en idéalisent les peuples. Volker Schlöndorff, cinéaste allemand, est le premier germanique à filmer la résistance, Outre-Rhin, dans une fiction qui a été sélectionnée lors de la Berlinale de l’année 2012. La Mer à l’Aube s’empare de l’histoire de Guy Môquet et de l’épisode de Chateaubriand. La réalisation est inspirée du livre de Pierre-Louis Basse, de la nouvelle d’Henrich Böll, qui faisait son service à ce moment-là en France. Schlöndorff utilise un rapport rédigé par Ernst Jünger, officier et écrivain, un « témoin en uniforme ». Le réalisateur le dit : « les mots qui reviennent le plus souvent sont amour, espoir, patrie, courage… les grandes valeurs de l’humanité ». Les héros de gauche inspirent les victoires symboliques. La République. Quelle victoire ! La transition républicaine de l’Ancien Régime à la Révolution que pose Benoît Jacquot est un objet abstrait neuf et étrange. Loin d’égaler le péplum purement historique en deux épisodes de 89 – heureux hasard – de Enrico et Heffron, le réalisateur français crédibilise néanmoins la fausse version américaine de Sofia Coppola, qui s’entichait honteusement à l’époque d’une potiche autrichienne que fût Marie-Antoinette. Héroïne du film, la
lectrice de la reine insuffle du relief au caractère complexe des personnages de la cour, des combinards, des ministres impuissants du roi et de son régime monarchique, mou dans la caméra du cinéaste. Mou. En les prenant en contre-champ, dans un regard de classe et non de fait, la vacuité d’une caste en fin de vie prend tout son sens. L’héroïne traque, elle-même, dans une admiration contradictoire propre au peuple de France, les nuances souverainistes de sa favorite, la reine, et en parallèle celle d’un peuple qui scande l’admiration des monarques en brisant les symboles d’un système. Dans son for intérieur, la lectrice se met à nue face à la reine de France physiquement et dans une métaphore classique. Elle se libère de ses habits pour endosser le rôle, l’apparat d’une comtesse qui entretient une relation très ambiguë avec la reine – une thèse historiquement proposée – comme si elle trahissait, elle balançait entre les privilèges des deux camps sociaux : richesse et liberté. Le cœur de lectrice, l’est, ambigu. La bascule vers le rêve devient alors illusoire et sans réel motif humain que servirait un intérêt, sus patriote et national. Pourquoi vouloir adosser une idée d’un ailleurs qui n’existe plus ? La volatilité du film est le reflet illusoire de cette idée. Curieux que le croisement se fasse dans le cinéma. Le septième art serait-il atteint des symptômes similaires ? Aux vaillants renfermements des dogmes de chacun les groupuscules s’amourachent des jaillissements de nouveautés. Encore une ambigüité. Rappelez-vous du titre ou mesurez-le à la fiction : l’utopie n’a décidément plus les yeux sur terre.