par Nassera Metmati

Lle cinéaste, producteur, romancier, novelliste et scénariste mexicain Guillermo Arriaga a accepté de répondre à mes questions. Guillermo Arriaga s’installe, presque impassible, paisible, chaleureux. Il me dit : « Estoy muy cansado » (« Je suis très fatigué »). Finalement, nous connaissons peu l’homme. Face cachée du cinéma, par delà le tohu-bohu médiatico-hollywoodien des productions à la machine bien huilée ; Arriaga manièrise un cinéma littéraire, aux attributs d’une narration qui se veut réaliste. Acolyte iñarutien, de la trilogie d’Amores Perros à Babel, récompensé à Cannes en 2005 pour Trois enterrements, réalisateur d »un premier long fort remarqué dans ces colonnes, l »artiste mexicain pose un regard sur la richesse du cinéma de son pays, sur son travail et sa vision du cinéma.

CINEMA MEXICAIN : « JE PRENDS SANS CESSE DES RISQUES »

Nassera Metmati : Que pensez-vous du cinéma mexicain, de la mise en image de la société mexicaine ? Quel regard portez-vous sur la société mexicaine actuelle? Le cinéma mexicain est-il aussi commercial ?

Guillermo Arriaga : Le cinéma mexicain est en bonne santé. Des films s’illustrent comme Bad habits (Malos Habitos) dirigé par Simón Bross. Il y a des réalisateurs comme Mario Muñoz, qui a récemment été récompensé pour Bajo la sal.
Bien sûr, il y a aussi du cinéma commercial au Mexique, mais il ne faut pas tout mélanger. Car c’est le meilleur moyen de se tromper.

Vous exprimez de façon récurrente « J’écris sur les mêmes obsessions » ? Quelles sont-elles ?

Oui, certaines des mes obsessions se retrouvent sur aussi bien sur mon travail, sur mes livres que sur les court-métrages comme, par exemple, la façon dont la mort prend sur le pas sur la vie, tomber amoureux, la folie, l’aliénation ou la quête d’identité. Des lieux communs : les hôtels et les hôpitaux, les déserts. Ce sont des thèmes qui reviennent en force.

Ces obsessions sont-elles personnelles ?

Oui

Quel est le mot que vous choisiriez pour définir votre cinéma ?

Le risque ! Que cela soit un risque personnel, un risque esthétique…

Que pensez-vous de la veine mexicaine qui semble coller à une représentation métaphorique d’un malaise, comme celui de la frontière ; frontières de classes sociales, frontières politiques, frontières intérieures. Utilisez-vous aussi cette figure dans les scénarii de vos films ?

Oui, cela est dû en partie à la situation géographique du Mexique, à la société mexicaine : mais elle concerne autant l’état d’esprit des personnages, leurs blessures…Cette représentation participe au réel de la narration.

INSPIRATION : « J’AURAIS DÛ RÉALISER AVANT»

Pourquoi vous être lancé aussi tard dans la dgfev online casino réalisation alors que vous jouissez d’une notoriété largement acquise avec Iñarritu?

Je n’aurais jamais dû attendre aussi longtemps, j’aurais du réaliser il y a bien longtemps.

Qui détient le pouvoir aujourd’hui selon vous : le scénariste ou le producteur ?

Cela dépend : un moment c’est le producteur, un autre moment le metteur en scène, le scénariste, d’autres fois, cela sera les acteurs…Cela peut même être le directeur de la photographie, « le DP », « the DPM » ; beaucoup de films sont réalisés parce qu’un Charlie Kaufman voulait le faire, ou des films que j’ai fait parce que Brad Pitt voulait en faire partie. Ce n’est pas seulement le producteur, cela dépend des situations.

Dans l’idéal, souhaiteriez-vous adapter tous vos romans au cinéma, en tant que réalisateur, comme pour El Bufalo de La Noche du réalisateur Jorge Hernandez Aldana sorti en 2007?

Ces livres n’ont pas été écrits pour le cinéma ; je les ai écrits bien avant. Par conséquent, ce n’est pas comme si je les avais écrits en pensant aux films. Je n’étais même pas encore « prêt » lorsqu’ils sont sortis. C’est juste une simple coïncidence.

Le type de narration fragmentée vous-est elle inspirée par vos propres productions littéraires ou par d’autres cinéastes ? Vos films démarrent sur un évènement traumatique (point de départ du récit), sorte de « mac guffin », qui unie plusieurs destins reliés par un fil. Robert Altman avait expérimenté le dispositif « polyphonique » jusqu’à Short Cuts. Est-ce une façon de vous le réapproprier ?

C’est simple. J’essaie de prendre les intrigues de ma littérature. Mon approche du cinéma est littéraire. J’essaie de rapporter toutes les vertus, les qualités de la littérature au cinéma.

Avez-vous vu Gomorra de Matteo Garrone ? Qu’en pensez-vous ? En quoi votre manière de montrer un système, par la mixité des regards, des points de vue, s’avère finalement quasi-similaire au procédé filmique utilisé pour voir évoluer le système de la camorra ?

Non, je ne l’ai pas vu.

Les grandes figures politiques, révolutionnaires (Villa et Zapata dans votre livre Escuadron Guillotina) ne vous ont-elles jamais inspirées au cinéma ? On pense au prochain Vincere de Marcho Bellochio ?

Non, les films pour lesquels j’écris racontent juste des histoires. Je ne souhaite pas faire de films politiques.

AVENIR : « J’AI UN PROJET AU MEXIQUE »

Comment vous travaillez sur vos films?

J’essaie de raconter une histoire, c’est aussi simple que cela.

Qu’est-ce que cela amène dans la construction de vos images ?

Je suis toujours impliqué à fond pour les films que j’ai écris. Cela se traduit par le fait que je participe aussi aux autres processus, aux autres étapes de montage des images.

Y a-t-il des producteurs qui vous inspirent, que vous admirez ?

Beaucoup. Celui que j’ai en tête est Walter Parkes avec lequel j’ai tourné mon dernier long-métrage « Loin de la Terre Brûlée ».

Retournez-vous souvent au Mexique ? Dans les lieux de votre enfance ? Puisez-vous dans ces lieux et ces images ?

Oui j’y reviens. J’ai un projet avec Mickael Fitzgerald, producteur que j’apprécie énormément. Et bien sûr que ces lieux sont ma source d’inspiration, je raconte beaucoup de choses qui sont profondément mexicaines.

Quelle va être votre « inspiration » cinéma sur les années à venir ? Pensez-vous revenir à vos origines sur 11 courts avant de tourner Amores Perros?

J’ai des projets de courts et de longs métrages. Je travaille sur un projet de court pour début 2010, pour le mois de janvier ou février.

Quel en est le titre ?

Je suis sûr que vous retrouverez le nom.

Gracias Guillermo Arriaga !
De nada !

Propos recueillis le 18 Novembre 2010
Traduction de l’anglais par Nassera Metmati.

GUILLERMO ARRIAGA:

Filmographie

Comme réalisateur
1997 : Campeones sin límite
2000 : Rogelio
2008 : Loin de la terre brûlée
Comme acteur [modifier]
2005 : Trois Enterrements de Tommy Lee Jones

Comme scénariste
1997 : Campeones sin límite de lui-même
1999 : ABC discapacidad (série télévisée mexicaine)
1999 : Un dulce olor a muerte de Gabriel Retes
2000 : Amours chiennes d »Alejandro González Iñárritu
2001 : Powder Keg d »Alejandro González Iñárritu (court métrage)
2003 : 21 grammes d »Alejandro González Iñárritu
2005 : Trois Enterrements de Tommy Lee Jones
2006 : Babel d »Alejandro González Iñárritu
2007 : El Búfalo de la Noche de Jorge Hernández Aldana
2008 : Loin de la terre brûlée de lui-même
2009 : Dallas Buyer »s Club

Comme producteur
2000 : Amours chiennes d »Alejandro González Iñárritu
2003 : 21 grammes d »Alejandro González Iñárritu
2004 : Los elefantes nunca olvidan de Lorenzo Vigas Castes
2007 : El Búfalo de la Noche de Jorge Hernández Aldana

Bibliographie
Escuadrón Guillotina (1991) : L »Escadron guillotine, Éditions Phébus, 2006, ISBN 2-7529-0210-7
Un dulce olor a muerte (1994) : Un doux parfum de mort, Éditions Phébus, 2005, ISBN 2-7529-0129-1
El búfalo de la noche (1999) : Le Bison de la nuit, Éditions Phébus, 2005, ISBN 2-7529-0060-0

essays of elia

Mexico, quartier sud, Éditions Phébus, 2009