par Nassera Metmati

Qui remportera la Palme d’Or de l’édition cannoise 2011 ? Avant que le Palais n’ouvre grand ses portes, place à la traditionnelle et non moins passionnante sélection de films qui augure un excellentissime cru cinématographique, autant que les rodomontades aux abords de la Croisette.


Nanni Moretti fût le gagnant du festival de Cannes en 2001 avec le sobre La Chambre du fils. Habemus Papam est le sujet d’une crise de foi d’un pape fraîchement élu ; le cinéaste reprend la procession satirique dans laquelle il avait plongé Le Caïman de 2006. Vingt-cinq ans après La Messe est finie, la Messe solennelle cannoise ne fait donc que commencer…

 

…Lars Von Trier y fait résonner les cloches, à Cannes, tant sa filmographie a brillé dès 1984 au festival pour y défendre Element of Crime. Le cinéaste Danois a accumulé un Prix du jury pour Europa en 1991, un Grand Prix du jury pour Breaking the Waves en 1996, avant de triompher en 2000 avec Dancer in the Dark. Lars Von Trier offra à Charlotte Gainsbourg le trophée de la meilleure actrice pour sa prestation dans le controversé Antichrist en 2009. Dans ce Melancholia, la catastrophe terrestre en sus serait peut-être une punition divine…

 

… D’où les conflits de religion qui y seraient pour quelque chose ? De Footnote, du réalisateur israélien Joseph Cedar – un cinéma qui construit son temple de films – un père et son fils, tous deux enseignant le Talmud dans la même université, confrontent leurs visions opposées de la religion. Lior Ashkenazi, acteur fétiche d’Eytan Fox dans l’inoubliable Tu marcheras sur l’eau (2004) sera un des interprètes conflictueux, en soutane, une transformation attendue…

 

…A-t-il céder à une transfiguration, Terrence Malick, cinéaste mystificateur, biblique et transcendantal de La Ligne rouge, qui fit des Moissons du ciel un beau succès artistique. Sans conteste la personnalité la plus attendue de cette compétition au regard de la presse, Terence Malick présentera donc The Tree of Life qui porte haut en signes l’affrontement entre un père et un fils…

…La nouvelle génération apparaît alors ; génération jeunesse et génération d’auteur. Julia Leigh signe avec Sleeping Beauty une première incursion dans le cinéma. Érotisme sombre puisqu’il y est question d’une étudiante qui travaille dans une maison close pour augmenter sa bourse. Le péché originel, en somme, dans une ambiance étrange…

…Comme l’Appollonide – Souvenirs de la Maison Close qui reprend la Beauty en maison close transposé aux année vingt, par l’étrange Bertrand Bonello qui risque de nous faire replonger dans un univers ouaté très personnel.uniquement peuplée de femmes..

…Les Femmes qui font leur révolution, qui sont l’origine de tout. Quelle est la source des femmes? Radu Mihaileanu, cinéaste roumain, la conte dans sa révolte du jasmin; une grève de l’amour des femmes d’un village, niché quelque part dans un pays du Maghreb. Hiam Habbas honore de sa présence ce long-métrage. La révolution se poursuit au cinéma. A l’inverse des femmes de Bonello, le corps se monnayent pour d’autres raisons…

 

…Et selon Pedro Almodovar, la stratégie du corps irait plus loin. Antonio Banderas, avec lequel il a collaboré dans le délicieux Atame en 1990, est l’interprète d’un chirurgien fou qui a crée une peau synthétique, triturant avec ses outils les peaux innocentes de ses patients. Que cherche  t-il à reproduire, une image neuve d’un cinéma ancien? Gageons que la partie pour la Palme n’est pas gagné d’avance pour ce cinéma de la reconstruction…

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…Reconstruction, destruction, de quelle origine? Viendrait-elle du conducteur de Drive, cascadeur pour les pontes du crime qui conduirait pour se venger de ses traitres…? L’auteur se serait inspirait du héros tragique de Boulevard de la Mort de Quentin Tarantino pour en finir avec ses victimes, dans un bouillonnement sanglant ou en fera t-il un acte beaucoup plus sensible de revanchard…

 

…Ichimei sort un sabre; « At least, you could die like a samourai » réplique t-on une fois encore chez Tarantino. Takashi Miike délite le mythe du samouraï. L’idée du suicide existe dans les plus nobles intentions légendaires de ses héros de ce chanbara. Pour une première sélection cannoise, attendons de voir ce que rapporte ce cinéaste qui sait créer un art du déjanté paranoïaque…

…Du déjanté, peut-on dire que la pédophilie est le fait d’un acte fou? Polisse de Maiwen Le Bresco, troisième long-métrage après le bal des actrices en 2009 reprend le fait social s’attaquant à conter les péripéties du côté des brigades chargés de ces enquêtes. Que va t-elle prononcer ? ….

 

…Mystère. Le mystère planne sur nos têtes sur les intentions d’Aki Kaurismaki. Ce poète de l’ absurde n’a pas son pareil pour insuffler un vent bizarre sur le parvis du festival cannois.Ce fut avec Au loin s’en vont les nuages en 1996, puis en 2002 avec L’Homme sans passé, et enfin en 2004 avec Les Lumières du faubourg….

…Poète, il en y a un qui défend ses armes en bon tête de turc dans ses fictions originales. Nuri Bridge Ceylan nous transporte dans Il était une fois en Anatolie qui portera, on l’imagine, vers l’exploration des contrées inexplorées de l’Asie Mineure, un peu comme un émule d’Herzog à la conquête de populations et de personnages presque fictifs, tellement loin de nos civilisations…

 

…..Où est la bonne place donc. This must Be the Place peut-être ; celle d’un ancien rockeur incarné par l’intense et fantastique Sean Penn devenu gothique vieillissant parti retrouver la trace d’un ex-Nazi qui tortura son père durant la Seconde Guerre Mondiale. Paolo Sorrentino, le cinéaste, fût acteur pour Nanni Moretti dans Le Caïman en 2006, puis avait remporté le Prix du jury pour Il Divo il y a trois ans…

 

….Des interprètes de génie, il n’en manque pas, bluffant dans leur façon de complexifier jusqu’au limpide les déroulements humains, Jean-Pierre et Luc Dardenne, fratrie belge œuvrent depuis leurs débuts dans la confrérie sociale. Les Frères Dardenne détiennent le record de Palmes d’or dont la première en 1999 grâce à Rosetta, puis la seconde six ans plus tard avec L’Enfant. Les cinéastes remportent le Prix du meilleur scénario en 2008 pour Silence de Lorna. Cette année, avec le Gamin au vélo, l’histoire du jeune Cyril à la recherche de son père qui l’a abandonné est l’ultime roue du carrosse cannois.

 

Le feuilleton cannois roule insidieusement à rebours de l’exacerbisme religieux, à sa pratique, au pêché déclencheur pour en revenir aux origines, de ses travers sociaux jusqu’à des ancêtres intiment liés au destin de tous ces héros. Inextricable sélection, éclectique sélection. Jusqu’où le jury aura le courage de s’arrêter ?