par Nassera Metmati

Tousmescinemas s’assoupit confortablement au fond d’un canapé pour jauger les interstices des progressismes de l’histoire. Il suffit de s’installer auprès de L’Innocent, imaginé par Luchino Visconti afin de comprendre combien les idées modernes, taxées de ce nom de progrès, aux issues homériques s’affichaient, sous de bien tristes apparats et sombres affaires soumises aux lois de la littérature tragique.

Tullio, ce personnage infiniment amoureux de la vie, est une désincarnation religieuse de la fin du règne des bourgeoisies italiennes. Il renverse les concepts à son jugement. Les mères doivent être sauvées avant l’enfant. La femme par principe ou par intérêt, et la femme comme sœur sont incompatibles avec un acte de mariage ; désormais, le titre de maîtresse entre dans les rangs sages nourrit par le désir autorisé et affecte une raison au mariage. Plus que tout, un homme, nous entendons un homme au masculin, vit désormais sa vie sous une forme polie de libertinage, définit le cadre d’une mort et s’accepte des vices dans une confession non plus à Dieu, mais dans une repentance lucide capable d’échapper à la justice des hommes incapables de répondre au désespoir, ainsi qu’à une justice divine devenue obsolète.

Ce discours tenu par le réalisateur italien révèle au combien nos idées, aujourd’hui, se désincarnent dans une reconquête jusqu’au-boutiste des individualités. Le progrès sociologique, humaniste, existe-t-il ? Sur quelles autorités peut-on faire reposer nos croyances quel qu’elles soient ? Tullio l’innocent ne survit pas à sa mutation. Une crise s’instille dans ce désir de modernisme. Le tout est d’en comprendre les origines. Bellochio nous livrera bientôt son rapport politique dans l’Italie contemporaine de Monsieur Berlusconi ; ou de quelle graine naisse ces mutations. En France, nos fictions diabolisent la fascination de ces crises idéologiques des hommes politiques et des politiques de symboles auxquels les bons juges républicains ou démocratiques ou autocratiques-modernes ne parviennent qu’ à calmer leurs complexités. Tousmescinemas tiendra délibérément le pupitre pendant un mois de débat de cinéma politique.