par Nassera Metmati

Bertrand Tavernier, l’hypermnésique, a connu Volker Schlöndorff en 1957, l’auteur allemand auquel nous consacrons une légère plaidoirie populaire, dans le tout dernier cahier de Tousmescinemas.com. Bertrand Tavernier, trois ans plus tard est assistant de Melville sur Léon Morin prêtre, ce même Melville qui fût une référence, unique, française, du cinéaste de la Mer à l’Aube. Le hasard de cette parenthèse historique et personnelle traduirait, inéluctablement la percée unique du cinéma de Bertrand Tavernier.

C’est ce qui ressort du Cinéma dans le sang de N.Simsolo, qui illustre combien les personnages des films de Bertrand Tavernier, via les sentiments volontairement renforcés de colère, de compassion, de mensonge, de vérité, ne servent, en vérité, qu’à élucider l’historique des sentiments, qui servirait par la suite à comprendre l’histoire. Thèse défendue par le réalisateur qui entend, dit-il, « obscurcir tout ce qui est trop clair et éclairer des zones d’ombre ».

Bien évidemment, l’esprit très bavard de Bertrand Tavernier rend son discours beaucoup plus nuancé qu’il n’y paraît au regard des ses œuvres. Dans Que la fête Commence, pour lequel il a reçu le César du meilleur réalisateur, il comprend à juste titre qu’ à exploiter son héros principal, le Régent, campé par Philippe Noiret, il comprendrait mieux les rouges d’une époque : « le rapport pouvoir, au pragmatisme politique qui vous salit ». Sujet d’actualité qui met en relief l’apport du cinéma sur un sentier privilégié que domine la destinée d’ une existence terrestre.

Le relief second qui relie le premier point est l’aveu des personnages qui s’épuisent, sont broyés de l’intérieur. Le Régent fini par se suicider dans ses plaisirs, s’étourdit pour oublier ses échecs. Les personnages sont très modernes, recroquevillés dans une solitude intérieure à laquelle renvoie la quantité des paroles, des actes de ses héros.

En revanche, ils seraient faux d’affirmer leur complexité comme nous pourrions le lire dans le livre. Il s’agirait de glisser vers l’idée d’un refus de Narcisse. Les acteurs se fabriquent une quête vaine, en pure perte, ce qui les rend incompréhensibles et indéfinissables. Ce sont des insaisissables défendeurs. Tout comme le discours de cinéma de Bertrand Tavernier qui s’y projette, répandue volontairement en filigrane.