par Nassera Metmati

Allure de rude ouvrière à qui la vie laisse des traces à peine perceptibles, au regard débonnaire, fixé sur un ailleurs indéfini, une posture enfantine, Yolande Moreau est un personnage atypique dans le chromosome lissé du cinéma français. Comment ne pas s’attacher à une telle bouille, aussi familière, aussi aisément identifiable? Dans sa façon mystique de porter ses rôles, Yolande s’affiche très vite comme le côté face de la grande pièce de cinéma bourgeois, grivois, et de leurs pauvres tracas qui suffisent à faire d’une misérable déception un plotentier. Complexité adoubée d’une sensibilité grimaçante, ses apparitions aussi brutes que furtives laissent pourtant des traces. Là. On irait lui pardonner de prêter sa paillardise dans les modus operandi scénaristiques douteux de La Meute. C’est Agnès Varda qui lui a offert ses premiers rôles au cinéma. Yolande prend les apparats tantôt dans les réflexions de la vie d’artiste – qui lui colle à la peau – tantôt dans les genilles de clochardes sous le masque de Dupontel. Malléable mais qui avance quand elle parait régresser. Elle ressemble à notre Judie Dench, dans ces affiches éclatées qui prennent leur sens lorsqu’on la prend dans un tout. Dan Où va la nuit, qui sort très bientôt, Yolande reprend son arme de Flingueuse, plus mâture en apparence ; comme si elle libérerait de ses pulsions enfouis accumulées de toutes ses quêtes ce qu’elle serait vraiment. Ah ! On la laisserait volontiers éloigné d’éclore, en la laissant bravache tenancière de tripoux, Yolande. Qu’est-ce qui lui irait le mieux ? Triple Hélas, l’actrice s’est à jamais parée des traits de sa Séraphine, tissant sa toile pour atteindre les sommets, hors de la nature morte de ces cinémas. Une artiste, en somme ; une quête de soi dans une vérité hors du cadre. Continuez, continuez…