par Nassera Metmati

Le Passé débroussaille l’origine de nos actes en apparence incompréhensibles, qui se révèle justifiés au regard du vécu de ces personnages. Le Passé est un détergent biologique, soft, qui décape la mauvaise herbe de nos consciences. Le Passé est un jeu de piste, une forme d’enquête menée par les acteurs d’un crime commun. Enfin, Le Passé remonte le temps à l’inverse des incursions habituels à l’arrachée ou imbriqué çà et là dans une séquence ; il ne s’agit plus d’une question de date, la machine d’Asghar Farhadi rembobine à chaque macguffin qui se prête à une tentative d’élévation de l’individu vers une vie meilleure, une nouvelle vie. De là, Ahmad (Ali Mosaffa) arrive de Téhéran afin d’achever les formalités du divorce à Paris avec Marie (Bérénice Béjo). L’homme découvre une situation familiale tendue depuis que son ex-femme vit en couple avec Samir (Tahar Rahim). Ahmad découvre alors les raisons du malaise ambiant. Les coupables A l’intérieur de ce thriller dramatique, la question de l’innocence est rayée de la carte du propos du cinéaste iranien. Puisque nos leitmotiv sont trop joués à paraître complexes, hommes et femmes que nous sommes, il n’est plus d’actualité de poser sur le même plan les révélations entendues au cours des instants d’apesanteur qui la composent, seulement de proposer une lumière pour chacune d’elles. Le suspense y sort grandit à chaque interrogatoire. N’importe quel cinéaste est l’héritier d’un code emprunté, y compris inconsciemment, d’un créateur hitchcockien; ne tombons pas dans la caricature d’établir une comparaison sans fondement, trop facile, trop répandue et motivée par un manque d’arguments évident. Selon nous, ceci est une forme moderne d’enquête policière noire ; horrible dans les faits, machiavéliques dans les actions, par exemple pour faire payer un abus sous couvert d’un argument économique du travail au noir d’une employé innocente, mais douces dans les incarnations et composée de plusieurs juges et d’actions en justices personnelles. Malgré les

soupçons de culpabilité portés sur Samir concernant la raison du coma de sa femme, nous sommes balancés, secoués la tête de haut en bas dons nos convictions de spectateurs rapides à juger et jauger des personnages que nous ne connaissons pas, car ce ne sont pas seulement des individus d’un instant puis voués à disparaître ; ces êtres sont des mémoires vivantes en devenir selon le cinéaste Farhadi. La leçon est évidente et similaire concernant la jeune fille Lucie et Marie sur un plan différent qui est celui d’une relation entretenue entre une mère et sa fille. Marie n’est pas dépressive, égoïste, dépassée par les événements et Lucie n’est pas qu’une adolescente bizarre et renfermée sur elle-même. De même, un petit garçon nommé Fouad boutchou rebelle blessé coupable de renverser le pot de peinture ou de piquer le cadeau dans la valise d’Ahmad, se révèle un petit garçon remplie d’affection concernant les situations que vivent les adultes de la famille. Là aussi, la culpabilité est linéarisée dans une discussion très facile entre l’enfant et son père, où l’un vaut l’autre, où l’enfant tient sans forcer la cadence ni le débit imprimé à la scène.

L’Histoire L’histoire se confond avec la parole ; le dialogue prime, les séquences parlées et criées, arrivent devant les personnages qui les servent. Ceux-ci sont secondaires. Voyez combien il est aisé d’oublier les noms des personnages, sauf au nom d’Ahmad, sorte de catalyseur de tous les plaidoyers des quiproquos familiaux. En fait, Asghar éveille inévitablement nos sens, ou la sensation olfactive peu exploité par le cinéma actuel, proposé au cours d’une scène ou l’expérience d’un parfum peu faire réveiller les morts ; il établi la boucle aux sons émis des débats bruyants d’une discussion abritée à l’intérieur d’un habitacle de voiture au début du film, en mouvement vers une quête de spiritualité qui devient collective. Asghar Farhadi rejoint une idée du poète unique Abbas Kiarostami qui est que l’art d’une œuvre se limite à ce qu’elle est ; aussi où la violence est une faiblesse pour lequel il n’y a pas d’espace. La mise en scène

est donc minimaliste. Là est le point de départ du large bémol attribué au cinéaste. La multiplication des rebondissements peut lasser et perdre en crédibilité réelle. Où Abbas Kiarostami s’occupait d’un combat, Asghar cherche à ouvrir les fenêtres sur tout ce qui s’y prête, où le vent peut aussi tout renverser et laisser place vide, déserte, vouée à l’oubli, tel que la sensation reçue lors du départ d’Ahmad de ce chantier immobile, qui disparaît comme si l’histoire n’avait jamais existé. Ce part pris est-il volontaire ? Pour l’instant, elle pourrait suffire aux flottements légers voulus de la part du réalisateur. Le problème est de ne pas se renfermer systématiquement à ces attaches qui pourraient s’alourdir avec le temps. Asghar est loin de Kiarostami. Sans doute, le sens à retenir est l’image du va-vient des essuie-glaces qui effacent les larmes d’une pluie presque à chaque traversée en immersion, dans une aventure. Malgré la toute puissance des mécanismes artificiels du progrès, les gouttes tombent encore et ruissellent jusqu’à que cela soit la nature qui décide du sens de l’histoire. Marie et Samir se persuade que l’avenir est l’essentiel et qu’il faut oublier. D’aucuns n’est maître de nos espérances sinon la vie qui nous indique si nous pouvons emprunter cette direction ou pas. Petits hommes et petites femmes que nous sommes. Bien loi des fastes, bien loin du ridicule tapis rouge.

Fiche technique Le Passé Réalisé par Asghar Farhadi Avec Bérénice Béjo, Tahar Rahim, Ali Mossafa Année de production : 2013 Nationalité : Françe Durée : 120 mns Genre : Drame Distribué par Memento Films
Le Passé
Le Passé Extrait vidéo VF