par Nassera Metmati

Le cinéma américain offre une piètre démonstration de ses talents sur le grand écran actuel. Remake de pellicules qui ont fait le renouveau du cinéma américain dans les années 90, très bon à disséquer les critiques de toutes les formes de systèmes, les films de notre époque dépasse difficilement le renouveau des propos, de ce qu’ils dénonçaient jadis sur l’Amérique et ses ramifications, sur l’Amérique et sa suprématie, sur le sujet démocratique et sa haute estime d’elle-même. L’ Amérique Intouchable, en quelque sorte.

Rhum Express, parmi tant de productions de son genre, road-movie qui se dilate dans une forme créatrice de cinéma à l’origine, exhibe les mauvais penchants à mélanger les extraits, les attitudes, les discours marquants de ces quinze dernières années, sans en extirper une consistance pâteuse. A oui dire, les rires sont là ; les sketches, la débauche, les petites enseignes et les boui-boui, opèrent leur charme sous le soleil de Porto Rico où Johnny Depp alias Kemp campe un journaliste et écrivain à la marge qui espère jouir de son métier sous les cocotiers. A la limite de la posture du junkie, mais jamais totalement drogué, à la limite de l’alcoolisme mais qui suinte le doux rhum, l’acteur aux airs de pirate est très bon lorsqu’il s’agit de créer cet espace d’ironie, de cynisme sur son idée du personnage. Johnny Depp balance entre son côté noir, celui de profiteur de la manne du fric, et de faire son beurre avec une crapule d’hommes d’affaires joué d’un ton juste par l’acteur Aaron Eckhart, et son côté blanc, la dénonciation des dérives des pouvoirs, vite à l’étroit dans une terre étrangère.

C’est l’un des touts premiers films où l’acteur se laisse exploiter aux tic-tac, d’un mouvement régulier de pendule, de droite vers la gauche. Ce schéma se retrouve exactement dans l’exploitation des dérives du politique, communisme ou capitalisme, anciens et nouveaux, locaux et conquérants. Dans la première partie de la bobine, les évènements sont rapides, s’enchaînent, tel un artifice qu’aurait crée toutes les formes de société capitaliste actuelle ; c’est-à-dire qu’il n’y aurait plus de temps à perdre son temps, par la création d’une image faussée d’une réalité bien plus dure qu’elle en à l’air.

Kemp passe pour un brillant journaliste du New-York Times, rencontre les puissants, s’accordent leurs faveurs, signe le pacte « business », gagne un voyage sur l’île paradisiaque, roule avec une voiture de collection et consume son idylle avec Chenaud, une sirène extirpée du dernier épisode des caraïbes, un léger clin d’œil, un peu par duperie. Et d’un coup, lorsque la mise en scène n’offre plus de surprises, n’est qu’un pâle reflet de ce qu’elle souhaiterait provoquer, la seconde partie bascule à gauche, vers le réel, les populations, l’encre, celle qui laisse des traces selon les mots de Kemp. A partir de là, un nouveau film voit le jour qui balaye ce qui aurait pu être un film de truanderie, de billets et de sales affaires qui aurait tenu Kemp derrière ses lunettes de soleil.

Le journalisme prend le dessus, l’investigation ; le but du personnage est de redorer cet état à ses fonctions, raviser un journal local en perdition, qui n’a pour brillante ligne éditoriale que vivre de sa publicité, malheur de la société de l’argent, et qui nourrit ses fantasmes. Mais ce n’est pas l’arnaque qui va les aider ; un semble combat de coq qui semble être le sport le plus populaire de la région, se révélera une solution pour les comparses. Là se trouve la scène la plus drôle du film ; une fois encore, ce sont les corps premiers qui fournissent la clef ; Papa Dole, une prêtresse mi-médecin, mi-sorcière qui va proférer au coq des formules magiques afin qu’il devienne invincible, jusqu’à cracher une horrible grenouille (encore une référence aux Pirates). Le délire est digne de Parano, à Las Vegas. Il s’agit d’un acte de comédie qui forme ainsi un film différent, un film ralenti qui épouse le réel. L’idée numéro deux plait, plus belle ; probablement celle qui aurait dû exister depuis le début de l’objet du Rhum Express, un train grande vitesse vers l’ivresse humanisante.

Fiche Technique
Réalisé par Bruce Robinson
Titre Original: The Rum Diary
Avec Johnny Depp, Aaron Eckhart
Genre : Comédie
Nationalité : Américaine
Durée : 120 mins
Année de production : 2011
Distribué par Metropolitan Film